Addictions en entreprise
Dr Nathalie Sierra Scroccaro, psychologue clinicienne en pratique libérale à Rennes
Vacataire d’enseignement au CNAM Bretagne sur la PST 002, PST 124 et PST 120
La prévention des addictions en entreprise est devenue un enjeu central pour les Ressources humaines (RH) et les professionnels de la santé, car les impacts de ces addictions peuvent être dramatiques, mettant en danger non seulement la santé de l’employé mais aussi celle de ses collègues. Une prévention efficace repose sur plusieurs aspects : la reconnaissance du problème, des programmes de formation accessibles à tous les niveaux de l’organisation, et la mise en place de dispositifs de soutien adaptés. Il s’agit d’une démarche pluridisciplinaire impliquant la collaboration entre les RH, les employeurs, et les professionnels de santé.
Pourquoi les entreprises hésitent-elles à agir ?
Malgré une prise de conscience croissante des risques liés aux addictions, les entreprises hésitent encore trop souvent à aborder le problème de manière directe. Plusieurs raisons expliquent cette réticence : la crainte de créer des tensions, la peur d'aggraver la situation, ou encore la difficulté d'établir des politiques claires. Certaines organisations préfèrent aussi adopter une approche de « tolérance zéro », tandis que d'autres au contraire choisissent de minimiser le problème pour éviter de stigmatiser les employés concernés.
Les salariés face au silence et au déni
Du côté des salariés, les comportements addictifs restent souvent cachés, car les personnes concernées craignent d'être stigmatisées ou de perdre leur emploi. Ce silence contribue à la banalisation de certaines addictions, notamment celles qui semblent être liées à des facteurs de stress ou à une surcharge de travail. Pourtant, ce déni institutionnel et individuel ne fait qu’enraciner les comportements à risque, rendant la prévention et le soin encore plus difficile.
Accompagner les salariés : distinguer l’addiction des autres troubles pour mieux agir
Face à ces réticences, plusieurs solutions existent pour réduire les comportements à risque en entreprise. Les programmes de gestion du stress et le soutien psychologique offrent un cadre bienveillant et confidentiel aux professionnels en difficulté, leur permettant d’exprimer leurs préoccupations et de prendre conscience de leur addiction. Ce type de soutien contribue à diminuer les comportements à risque, en créant un espace de discussion où les employés peuvent réfléchir sur leurs habitudes et décider s’ils souhaitent entamer un suivi.
Avant de mettre en place un tel suivi, il est essentiel de disposer de repères cliniques pour distinguer les addictions des symptômes d’autres troubles, comme le burn-out ou l’anxiété. Selon Sierra-Scroccaro (2020), les signes de fatigue, d'anxiété, et de troubles du sommeil sont des dénominateurs communs qui peuvent parfois masquer des problématiques plus profondes. Par ailleurs, il n’est pas rare que ces addictions soient associées à d’autres dépendances, comme le workaholisme (addiction au travail) ou la consommation de médicaments psychoactifs pour gérer le stress ou maintenir un niveau d’énergie élevé.
Les addictions en entreprise peuvent donner alors l’illusion d’une productivité accrue chez le salarié, mais cette dépendance se traduit souvent par une incapacité à fonctionner sans ces substances ou comportements.
Une approche clinique bien structurée permet non seulement d’identifier ces problématiques, mais aussi d’offrir
des pistes d’intervention concrètes pour les entreprises. En collaborant avec des prestataires de santé, les entreprises peuvent proposer des consultations adaptées et créer un environnement de travail plus sûr et plus sain pour leurs employés.
Source bibliographique : Sierra-Scroccaro, N. (2020). Les addictions : repères théoriques et pratiques cliniques. Paris : In Press.
Posté le 27/11/2024