L’Open Data, le Big Data et l’IA au service des collectivités locales
La prolifération des données numériques représente de nouvelles perspectives d’innovation pour les territoires et touche tous les domaines de l’action publique.
Maryse Carmes, enseignante-chercheuse au Cnam, décrypte les enjeux.
Quelles sont aujourd’hui les perspectives d’exploitation des données numériques dans les politiques locales ?
Avec l’opportunité d’exploiter les données numériques, deux grands domaines d’exploitation se sont ouverts ces dernières années. D’une part, l’ouverture des données, notamment dans le secteur public, qui s’inscrit dans la continuité des mouvements internationaux d’accès aux savoirs tels que les logiciels libres ou la science ouverte et d'autre part, le big data et l’IA qui est alors mobilisée, cette dernière portant sur l’analyse des données « massives » et l’apprentissage automatisé notamment. En fonction des projets et des applications, ces deux axes peuvent indépendants ou liés.
Et à l’échelon local, à quels enjeux cela renvoie t-il ?
La question de l’open data est un des enjeux importants que nous travaillons dans notre formation au Cnam. Cet enjeu conduit ainsi à soutenir les mouvements d’ouverture des données numériques. Il renvoie par ailleurs à la question de la participation des citoyens. Il s’inscrit dans la réutilisation collective et une meilleure appropriation des ressources numériques disponibles localement. L’enjeu politique est d’envisager ces ressources numériques non pas seulement dans un contexte technique, mais dans le cadre d’une refondation ou d’une amélioration de l’action publique à travers l’innovation et la coopération public/privé dans des domaines d’activité très variés : l’énergie, la mobilité, la culture…
Les collectivités se sont-elles vraiment emparées de ces données ?
En fait, elles n’ont pas le choix car la France (Loi Pour une République Numérique de 2016) mais plus globalement les pays de l’Union européenne se sont fixés des objectifs et même des contraintes. Ainsi, depuis 2018, toute collectivité territoriale de plus de 3500 habitants et ayant au moins 50 agents ETP a désormais l’obligation d’ouvrir certaines données. C’est un mouvement potentiellement très fort qui nécessite toutefois d’être accompagné par la création de nouveaux métiers et de nouvelles compétences.
De quelles compétences parle-ton ?
Il s’agit principalement de la création de nouveaux métiers tel qu’ « administrateur général des données », un poste transverse avec une responsabilité stratégique forte. On voit également apparaitre des « responsables de management des données » ou des « responsables innovation numérique et participation citoyenne », voire des CDO pour « chief data officer ». C’est sur ces types de métiers que nous positionnons notre formation.
Quelles sont les autres spécificités de la formation proposée par le Cnam ?
Il ne s’agit pas de faire de l’adulte qui suit notre formation un spécialiste des applications de traitement intelligent des données massives - ce qui relève d’experts informatiques ou statistiques (Datascientists) - mais de lui apporter les compétences lui permettant d’envisager et de décliner des politiques en matière de management des données et de constituer les équipes capables de porter ces enjeux. Le focus n’est pas « techno-centré » mais plutôt stratégique en développant les perspectives de ces approches dans le cadre d’un projet de territoire, de transformation de l’action publique ou encore de l’accentuation des coopérations ouvertes avec les habitants. Beaucoup de missions actuellement en émergence relèvent de démarches d’aide et d’accompagnement des services ou de petites et moyennes collectivités à la conception de stratégies en réponse à des besoins territoriaux.
Quel avenir voyez-vous pour ces nouveaux métiers ?
Dans les années à venir, nous allons continuer de voir de nouveaux usages et de nouvelles attentes s’affirmer partout. Un travail de fond reste à faire auprès des acteurs publics, des collectivités territoriales et de leurs parties-prenantes pour comprendre les enjeux et se saisir des opportunités offertes. C’est pourquoi la DINUM et un réseau de collectivités engagées sur l’open data (Open data France) sont partenaires de cette formation.
* Dinum, Direction interministérielle du numérique.
Propos recueillis par Véronique Rolland, journaliste.
Posté le 30/04/2021